{Je vais essayer de me gaver aussi ^^}
Ayant fait seulement quelques pas, elle se sentit seule, ne discernant déjà plus la présence de la fillette.
La pluie avait quelque peu diminué, et une lune blafarde éclairait à peine les nuages qui passaient devant elle. Ces-derniers semblaient obscurs, menaçants. Ils apparraissaient comme très bas et Suzuka se figurait que si elle étendait sa main gantée vers le ciel qui semblait être fait de larmes innombrables, elle pourrait toucher cette sombre masse.
Elle tendit donc son poing vers l'astre dont elle devinait les contours. Au moment de serrer son poing, le cuir de ses gants avait légèrement crissé.
Elle voyait un peu mieux apparaître le dessin de sa main qu'elle avait ouverte à la lumière de la lune. Elle abaissa son bras, poussa un petit soupir, et pensa que, peut-être, une prochaine fois, elle pourrait toucher l'amas grisonnant de tous ces nuages entremêlés.
Elle sourit à cette idée absurde qui avait soudainement surgi de ses pensées. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher d'admettre qu'elle était tout de même assez poétique.. Assez satisfaite d'elle-même, elle reprit le chemin avec un pas dansant.
Elle devait être semblable à une ombre sinistre, sous le faible éclairage des lampadaires.
Un passant qui se dépêchait de regagner sa demeure, chapeau sur la tête, et le col relevé, aperçut comme une illusion qui ressemblait à une jeune fille. Le regard sinistre, et levant la tête vers le rideau de pluie qui s'abattait sur elle. Il raconta plus tard, enfin rentré, qu'il en avait toujours le coeur qui battait à toute vitesse à l'idée de recroiser cette sihouette.
Les quelques réverbères dressés le long de la rue, ne suffisaient pas à rendre efficace une plus grande recherche. Mais, étant tout de même habituée à rester dehors la nuit, elle pouvait bien mieux y voir que quelqu'un qui vivait plus le jour. De plus, elle pouvait sentir des présences autour, précieux atout qu'elle essayait d'utiliser le plus possible.
Elle se dessinait et disparaissait au fur et à mesure de la régalurité de la lumière. Parcourant plusieurs rues de long en large, elle continuait ses recherches, inllassablement. Puis, au coin d'une rue, elle crut apercevoir quelque chose, et prit un rythme plus soutenu. Arrivée au bout de virage, elle sentit quelque chose, dans l'air qui la fit s'arrêter. Elle s'appuya d'une main au mur le plus proche, inexplicablement fatiguée.
L'odeur qu'elle sentait était celle du sang. Elle était près de l'endroit où la bataille avec plusieurs personnes avait eu lieu. Cette odeur l'affola. Par flashs, les mares de sang versées appraissaient dans sa mémoire. Il y avait tellement de sang.. Il inondait le sol comme un mer écarlate, immense. C'était tellement..tellement agréable..
Elle prit son front dans sa main libre et ferma les yeux. Ses narines frémirent. Ses poings se serrèrent, si fort, que si elle n'avait pas eu ses gants, ses ongles se seraient profondément enfonçés dans sa chair. Un petit vertige la saisit et un sourire apparut sur son visage, comme si elle était en transe. Elle rouvrit les yeux, une lueur étonnement déterminée à l'intérieur.
Soudainement remise, ses pas s'affirmèrent, et elle continua son trajet.
Une personne qui passerait par là, aurait été sûrement effrayée à l'atmosphère qui y régnait. Une forme aux yeux démoniaques marchait avec une assurance pleine de défi. Suzuka n'était plus la même, à cet instant-même, elle devenue l'assassin qui avait tué tant de gens, ces nuits où le bruit du vent les avait agréablement bercé..
En effet, les nuits de grands vents et de pluie battante étaient de bonnes conditions pour accomplir ce rôle infernal. Le vent s'était levé, et les trombes d'eau se renforçaient. L'eau cinglait son visage comme un fouet cuisant. Mais, étant déjà sous la possession de l'autre partie de son être, elle ne sentait plus rien. L'orage semblait gronder de plus en plus fort, comme annonçant que quelque chose adviendrait bientôt.
Les seuls qui pouvaient l'arrêter, étaient ses amis d'enfance, ainsi que celui dont elle portait le médaillon. Ce dernier, ayant disparu, les autres avaient de moins en moins d'influence. Avisant discrètement les recoins les plus ombrageux, l'assassin prit un grand plaisir à penser que cette nuit, comme de nombreuses autres avant, elle n'allait pas être derangée.
Les rues qu'elle aprentait depuis le début, avec ou sans la petite fille, étaient entièrement infestées de bandits et de voleurs en tout genre. Pour elle, c'était une occasion rêvée d'épancher son besoin de verser le sang.
Normalement, elle devait assassiner seulement sur « ordre » de ses parents. Ils lui disaient, ou envoyaient une mission d'un certain genre, « tuer une personne importante », par exemple. Mais en ce qui concernait les bandits, ou les batailles qu'elle menait elle-même, ils la laissaient libre.
Entendant le pas furtif de quelqu'un à l'autre bout de l'allée, l'arrachant à sa rêverie, elle masqua sa présence le mieux qu'elle put. Un pas silencieux comme celui-ci dans une rue comme celle-là signifiait pour elle un beau combat. Elle s'appuya contre le mur où l'ombre lui parraissait la plus sombre. Le pas s'arrêta, hésitant, cherchant si quelqu'un était dans la ruelle qu'il traversait.
Après quelques minutes de silence, les pas reprirent, encore plus dissimulés qu'auparavant. Elle retint son souffle un court instant, cligna des yeux, et se retrouva, en l'espace d'un éclair, avec une lame sous la gorge. Entre la lame et la peau fragile de son cou, elle avait à peine eu le temps d'interposer un doigt. Un mince filet de sang coulait le long de ce dernier, de sa main puis finissait par tomber en gouttes sombres sur le sol. Ces larges gouttes s'écrasaient avec un bruit mat, éclaboussant légèrement le sol à ses pieds. Elle déglutit et en compta cinq qui sonnaient comme le battement de son coeur, rapide et affolé. Le couteau ne s'enfonça pas plus pendant ce laps de temps.
Puis, après ces cinq gouttes qui lui parurent une éternité, la pression se relâcha. Elle se libéra prestement, sortit ses aiguilles de ses manches, puis attendit. Elle jubilait intérieurement. Comme elle savait à qui elle avait à faire,elle porta tranquillement son doigt à ses lèvres, et resta appuyée contre la plaie avec.
Un coup aussi précis, aussi rapide, ne pouvait être donné que par elle-même, deux membres de sa famille, et l'un de ses amis. Mais le souvenir d'avoir déjà vu une scène semblable ne la fit plus douter. C'était un de ses amis proches. Le silence pesant fut brisé par les paroles que prononça celui-ci :
«Il me semblait bien qu'une seule personne pouvait se défendre de cette attaque, et encore plus avec un seul doigt..»
Il avait dit ça sur un ton enjoué, heureux d'avoir revu une de ses anciennes amies. Elle lui répondit par un aquiescement dont elle fut sûre qu'il l'avait vu, même dans la plus grande obscurité. Ils se saluèrent, et reprirent leur chemin, comme en pleine journée, très courtois. Pendant qu'ils se tournaient le dos, ils restèrent chacun sur leurs gardes. Les amitiés entre assassins pouvaient être parfois très houleuses.
Elle poursuivit néanmoins son chemin alors qu'elle entendait les pas de son ami décroître le long de l'allée.
Elle marcha ainsi pendant un certain moment, puis d'un coup, se mit à courir, croyant voir quelque chose qui ressemblait aux cheveux blancs de la fillette qu'elle avait quittée, pas si longtemps auparavant. Arrivée au niveau du corps inanimé de la petite fille, elle s'immobilisa, et posa un genou à terre. Appuyée sur sa main gauche, elle porta sa main droite à sa gorge, comme pour avaler quelque chose d'invisible. Elle se mit à tousser, tout en essayant d'étouffer le bruit.
Elle était en position de faiblesse, dans la nuit opaque, faisant un bruit inimaginable. Soudain, elle se remémora la scène de la rencontre avec son ami. Elle comprit ainsi pourquoi son sang lui avait parut épais. Toute arme de tuerie était toujours enduite d'un poison mortel, pour qu'ainsi, il y ait une sécurité de plus. Souvent ce poison était très violent et n'avait pas d'antidote. De plus, comme elle avait couru, le poison s'était plus vite répandu que la normal.Les blessures de la bataille qu'elle avait menée avant la rencontre avec Akito se rouvrirent, et les bandages qu'elle avait tant serré se trouvèrent, en une fraction de seconde, tous tâchés d'une mare pourpre qui s'étendait sur le tissu.
Elle se savait immunisée contre ce genre de poison, ayant pris des petites doses, depuis toute petite. Mais, la fatigue et la course cumulées n'arrangeaient pas les choses. Le sang qu'elle crachait dans sa main, tout en espérant étouffer sa toux, dégoulinait en flaques presque noires sur le sol devant elle.
Cette scène se prolongea un petit moment, puis Suzuka s'arrêta enfin de tousser, la respiration sifflante. Elle aspirait de grandes goulées d'air comme si c'était la première fois qu'elle le faisait.
Bizarrement, pendant tout le temps où elle s'était sentie mal, elle avait réfléchi à ce qui avait pu se passer avec Akito. Elle était recroquevillée sur elle-même, affalée sur le sol, immobile. Oubliant un instant le douleur qui la serrait au niveau de ses bandages, elle se pencha sur le visage pâle de la fillette. Elle tendit une main vers sa peau qui parraissait fantômatique, toucha sa joue glacée, puis releva la tête de l'enfant. Avec son autre bras, elle ramena les jambes fines de celle-ci. Son souffle gelé faisait apparaître des petits nuages de vapeur au milieu de la bruine qui s'étendait, comme le sien.
Avisant soudain l'endroit où elles se trouvaient, elle fut quelque peu étonnée en remarquant qu'Akito était étendue au milieu d'un massacre auquel elle avait certainement participé. Plusieurs cadavres jonchaient le sol, dont plusieurs étaient assez défigurés, battus à mort. Elle serra un peu plus dans ses bras le petit corps gelé. Elle se traîna avec pour arriver à un mur, s'appuyer dessus, et prendre Akito dans ses bras. Elle inspecta les blessures de la fillette. Une surtout, attirait son attention. Une longue plaie faite avec une dague sillonait ses côtes. Elle prit encore une fois ses aiguilles, en choisit une longuement, et injecta son contenu dans le sang d'Akito. Le poison au bout était un anti-douleur. Elle soigna, desinfecta, et même recousu la longue plaie. Elle savait que quand la petite fille s'éveillerait, elle resentirait tout de même la douleur, mais beaucoup moins forte.
Elle avait soigné la fillette avant même de se soigner soi-même. Elle s'impressiona elle-même. Depuis quand aidait-elle les gens qu'elle connaissait à peine, et les faisait même passer avant elle. Elle avait fait tous ces gestes impulsivement, comme une grande soeur. Elle sourit en pensant qu'elle était tout de même bien émotive pour un assassin.
Elle enroula l'enfant dans une petite veste qu'elle avait dans son sac, la serra un peu contre elle, et eut seulement le temps d'appuyer sa tête contre le mur, avant de fermer les yeux, épuisée par tout ce qui s'était passé. Rêvait-elle ou était-elle en train de s'évanouir? Elle ne le savait même pas.. Elle savait juste qu'elle était contente d'avoir rendu service à quelqu'un qui avait était gentille avec elle..